samedi 23 juillet 2011

LE CHEMIN DE LA MAUVAISE ROUTE - Jean Herman 1963


En 1962, Jean Herman tourne dans l’esprit cinéma -vérité le documentaire: «Bon pour la vie civile» dans lequel un couple d’authentique blouson noir se confesse. Après divers problèmes avec la censure, le film fut d'abord interdit pour amoralité, incitation à tuer, agressivité extrême, le moyen métrage dont le montage a été fait par Nathalie Trintignant dont le mari Jean Louis assure les commentaires, sort finalement amputé d'une douzaine de minutes sous un nouveau nom « Le chemin de la mauvaise route » en exclusivité dans un studio parisien d’art d’essai le mois de septembre 1963, tout en restant interdit à l'exportation ! La commission a en outre conseillé l’adjonction d’un prologue :
une conversation entre un éducateur, un juge et un médecin. Le héros ; Jean-Claude Granvallet 18 ans ½ de longs cheveux noirs teint qui vit dans une petite chambre avec sa mère alcoolique au sixième étage d’un immeuble parisien.

Fan de Little Richard et de Vince Taylor, il passe son temps à voler avec une bande de copains. Le film permet d’ailleurs de voir l’ange noir du rock sur la scène de l’Olympia dans l’une de ses prestations les plus sauvages.
«…Pour moi, (Vince Taylor) c’est un type qu’est un peu de notre genre, de notre époque. Ca nous met de l’ambiance. On suit le rythme et on aile ça…. Mais il y en a un particulier qu’on aime, que tous les jeunes y z’aiment. C’est Little Richard, c’est un fou du rock et en tous cas, Little Richard c’est celui qui m’a le plus frappé. Il chante « Long time side »…Little Richard, c’est pas pareil… Little Richard c’est à ce qui paraît un noir, plutôt un noir…Enfin, pas un noir…C’est un métis… » ».
(« Bon pour la vie civile, interview de deux jeunes délinquants » Cinéma 63, N°72, janvier 1963)
La petite amie de Jean-Claude, Colette 19 ans porte une «choucroute» crêpée et un cirée noir, ils se sont rencontré le jour où elle avait fugué d’un centre de rééducation ou elle avait été placée après s’être enfuie d’une pension où son père l’avait placé après le décès de sa mère.

Tout au long du film, Jean-Claude et Colette sont à la fois émouvants et sympathiques. Leur langage est vert, leur vocabulaire limité. Ils parlent franchement, se disputent même, Colette lui reproche de toujours recommencer ses bêtises. Lorsque sort le film, Colette travaille comme vendeuse tandis que Jean-Claude Granvallet dort en prison en attende de jugement. Incarcéré après avoir plongé dans la Seine à 120 à l’heure à bord d’une «DS» volée au terme d’une course-poursuite avec la police. Un accident dans lequel son compagnon a disparu dans le fleuve. Cet antihéros irrécupérable trouvera la mort au volant d’une voiture volée deux mois plus tard. « … Le chemin de la mauvaise route est un film qui nous touche. Si dévergondés qu'ils soient, ce garçon et cette fille n'appartiennent pas à une race particulière, promise de toute éternité au vagabondage, à la paresse, à la sottise. Ce sont simplement des gosses dont il aurait fallu s'occuper, et s'occuper sans doute autrement qu'on ne l'a fait » écrit Jean De Baroncelli dans Le Monde (18 Septembre 1963).

Photos: Hello N° 10 15/08/1963 -Cinéma 63, N°72, janvier 1963
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